L'amour au temps du Corona
Les chroniques d’une puce / no 2
par Justine Gagnon
Je n’ai jamais lu le fameux livre « L’amour au temps du choléra ». En fait, ce n’est pas vrai, j’ai lu 10 pages lorsque je l’ai acheté dans sa langue d’origine : en espagnol. Je m’étais dit « Quoi de mieux pour entretenir mon espagnol que ce classique par Gabriel Garcia Marquez ? ». Faut croire que la vraie réponse était le reggaeton et la salsa. Adiós le prix Nobel.
Ces temps-ci, en pleine crise de coronavirus, même la musique qui normalement me fait automatiquement bouger le popotin me paraît superficielle. Je ne sais pas pour vous, mais moi je me sens en mode survie, et tout ce qui n’inclut pas de la nourriture ou de l’hygiène corporelle me semble impertinent. Quoique j’oublie mon angoisse quand mes nièces se mettent à danser et me tirent par la manche pour les accompagner. Alors l’isolation devient synonyme de plaisir.
MA CONFESSION
Par contre, ces jours-ci, il n’y a pas seulement la musique latine que je remets en question. En effet, j’ai une confession à vous faire : j’ai souhaité le coronavirus avant même qu’on ne connaisse son existence. Je suis honteuse, vous vous en douterez, mais depuis quelques années, les changements climatiques me font souhaiter l’inconcevable, et j’irais jusqu’à dire qu’ils m’obsèdent.
C’est pourquoi j’ai souhaité, dans un passé rapproché, que la planète perde plusieurs milliers de personnes d’un seul coup, afin de réduire les effets nuisibles que chaque individu inflige à notre belle terre. Ce qui me semblait un voeu pieux, c’est en fait concrétisé en pire cauchemar contemporain, et je me lance la première pierre.
MA GRANDE SURPRISE
Qu’est-ce qui importe le plus ? La survie de la planète à long terme ou la vie de chacun à court terme ? Dilemme éthique important selon moi, dont je n’ai toujours pas la réponse. Toutefois, à ma grande surprise, la civilisation m’impressionne par sa résilience. De plus, les technologies que je critiquais parfois, se montrent à présent rassembleuses et véhicules d’amour à distance.
ROMANTISME & OPTIMISmE
Je suis même tombée sur une vidéo absolument romantique en cette période difficile. L’amour au temps du Corona s’est incarné en Jeremy Cohen et Tori Cignarella. L’histoire entre ces deux voisins du quartier de Brooklyn est à croquer. Jeremy a présenté le développement de leur histoire d’amour qui vient de se créer malgré la distance sociale. On y apprend que l’homme a remarqué sa voisine dansant sur sa toiture, une « cutie » comme il dit.
Charmé, il lui envoie son numéro de téléphone par drone et l’histoire qui s’en suit est marquée de romantisme. Souper en face à face virtuel, mais aussi visuel, de balcon à toiture, suivi d’une marche amoureuse, lui dans une grosse sphère de plastique transparente et elle à ses côtés. Ça vaut la peine de suivre les tourtereaux sur Instagram, mais faites attention, leur bonne humeur est contagieuse.
Moi qui rêve depuis que je suis haute comme trois pommes de vivre le conte de fées, la princesse et son prince, je réalise que celui-ci peut prendre des formes auxquelles je n’aurais jamais songé. Si vous m’avez déjà lue, vous savez que j’ai testé Tinder et même le speed dating, mais rien ne m’enchanterait plus que de rencontrer mon âme soeur d’une façon aussi inusitée.
UN ÉLAN DE CRÉATIVITÉ
Je trouve que la crise génère un élan de créativité admirable chez la population mondiale. Des gens font de la Zumba en groupe, chacun sur leurs balcons. Les designers comme Christian Siriano emploient toutes leurs couturières à faire des masques pour les donner aux travailleurs dans le domaine de la santé.
Le Québec se lie d’amour pour Horacio Arruda, jusqu’à faire des memes et des dessins en son honneur. Les artistes écrivent chansons et poèmes inspirants. Bref, le nouveau rythme de vie ralenti que la majorité d’entre nous expérimente actuellement semble développer de nouvelles zones créatives dans notre cerveau. Pour ça je dis Hallelujah !
JE ME REPENS
Tout ça pour dire que je regrette profondément d’avoir souhaiter une telle catastrophe, mais que je suis contente que cette dernière me prouve que, malgré quelques dirigeants rétrogrades, narcissiques et tout simplement dangereux pour le public (guess who?), l’humanité vaut la peine d’être sauvée.
Sur ce, soyez prudents et bonne quarantaine à tous !